Haiti/Justice: Lettre ouverte du RNDDH au président René Préval
Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) inquiet du retard mis dans la constitution du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.
Son ExcellenceMonsieur René PREVAL
Président de la République d’Haïti
Palais National
En ses bureaux
Monsieur le Président,
Aujourd’hui plus que jamais, l’appareil judiciaire haïtien constitue une source de préoccupations pour les justiciables en général et les militants des droits humains en particulier.
Des Juges et des Commissaires du Gouvernement sont constamment décriés et dénoncés, en raison de leur implication dans des actes de corruption et de malversation. Si bien que le système judiciaire est, à nos jours, assimilé à un lieu de transactions commerciales où la Justice est vendue au plus offrant.
Parallèlement, certains Magistrats affichent des signes extérieurs d’opulence et mènent visiblement un train de vie supérieur à leurs traitements et salaires.
Dans ce contexte, la réforme de la Justice, avec comme clé de voûte, un plan de carrière pour les Magistrats, une stricte règlementation de la fonction de la Magistrature, de meilleures conditions de travail incluant un salaire raisonnable pour tous les Magistrats, ainsi que la prise de sanctions à l’encontre des Magistrats corrompus, s’impose à la société comme une nécessité car, il s’avère impérieux de relever la prestigieuse institution judiciaire des maux qui la gangrènent.
Dans cette optique, le Parlement Haïtien a voté au cours du deuxième semestre de l’année 2007, trois (3) lois portant respectivement sur le Statut de la Magistrature, l’Ecole de la Magistrature et le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.
Ces lois, publiées dans le Moniteur du 20 décembre 2007, en dépit de leurs faiblesses, sont considérées, à juste titre, comme un pas vers l’indépendance du Pouvoir Judiciaire.
C’est aujourd’hui à l’Exécutif qu’il revient de prendre les dispositions nécessaires en vue du renforcement de cette indépendance, en veillant à la mise en application de ces dispositions légales et à la mise en place, en particulier, du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.
Monsieur le Président,Le RNDDH tient à rappeler à votre attention quatre (4) faits qui sont de nature à vous convaincre, si vous ne l’êtes pas encore, de l’importance de la mise en application de la Loi portant sur le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.
1. L’article 3 de la Loi stipule que « le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire est présidé par le Président de la Cour de Cassation. En son absence, il est remplacé par le Vice-président du Conseil ». En avril 2009, le Sénat a communiqué à votre attention une liste de personnalités à même de combler les postes vacants à la Cour de Cassation qui, depuis plus de cinq (5) ans, fonctionne sans président. Cependant, force est de constater que la nomination de Juges semble importer peu à l’Exécutif.
2. Pour l’exercice 2009 – 2010, huit cent soixante dix-neuf millions, neuf cent soixante mille, six cent quarante-huit (879.960.648) gourdes sont disponibles dans le budget national pour le fonctionnement du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Ce montant prouve, si besoin en était, que l’Etat Haïtien souhaite ardemment la mise en place de ce Conseil. Cependant, les décaissements ne peuvent être effectués alors que le système judiciaire, souvent traité en parent pauvre, en a tant besoin !
3. Les personnalités devant faire partie du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire ont été désignées, conformément à l’article 4, alinéa h de la Loi susmentionnée. Leurs noms ont été acheminés à la commission de vetting elle-même placée sous la supervision du Secrétariat d’Etat à la Sécurité Publique, pour le processus de certification. En juillet 2009, les conclusions du rapport rédigé par cette commission vous ont été communiquées. A date, vous n’y avez donné aucune suite, malgré les recommandations insérées dans ce rapport.
4. Dans le cadre de la lutte contre la corruption qui gangrène le système judiciaire haïtien, de mars à mai 2009, un ensemble de mesures ont été prises par l’actuel Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Me Jean Joseph EXUME à l’encontre d’une dizaine de Magistrats corrompus. Certains ont été purement et simplement démis de leur fonction tandis que d’autres ont été mis en disponibilité en attendant la décision du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire sur les faits à eux reprochés.
Ce Conseil donc qui n’attend que vous pour sa mise en place, est d’une importance capitale et, son absence constitue en soi un vide à combler, un blocage pour l’avancement de la réforme de la Justice.
Monsieur le Président,Le pays attend de vous la décision de mettre en place le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, institution dont la mission essentielle est de tout mettre en oeuvre pour que la Justice haïtienne inspire confiance. Espérant que vous ne tarderez pas à agir en prenant les dispositions qui s’imposent, le RNDDH vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de sa très haute considération.