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Actualités - décembre 8, 2009

Haïti/Rép.dom : Lettre ouverte au Président de la République Dominicaine, Mr. Leonel Fernandez

Son Excellence Mr. le Président de la République Dominicaine.

Mr. Leonel Fernandez

Je saisis cette opportunité qui m’est offerte de vous présenter mes félicitations pour le remarquable travail que vous avez fait à la tête de votre pays. En effet tout le monde a pu constater l’extraordinaire progrès qu’a connu celui-ci au cours de ces vingt dernières années.  On ne saurait nier votre mérite personnel dans les avancées qu’a connu cette formation sociale. Entretemps il faut reconnaître que la Nation Haïtienne n’a pas bénéficié au cours de la même période de dirigeants aussi progressistes, soucieux du bien commun et de l’avancée de leur société. Beaucoup d’haïtiens souffrent dans leur chair, dans leur cœur et dans leur esprit des éternelles turpitudes de leur pays. Indépendamment des problèmes qu’il confronte notre amour pour celui-ci est indéfectible comme celui d’une mère pour un enfant handicapé ou retardé. Aussi incroyable que cela puisse paraître notre amour n’en est que plus grand. Beaucoup de peuples peuvent se targuer d’avoir eu une longue lutte pour la liberté et le progrès que ce soit en Amérique Latine ou ailleurs mais l’histoire du peuple haïtien est celui d’un combat sans fin mais pas sans espoir.

Ce matin j’ai entendu à la Radio qu’au cours de votre visite officielle en France, vous avez fait des commentaires sur la réalité politique en Haïti et notamment sur la Constitution haïtienne qui m’ont contraint de sortir de mon silence. J’ai constaté, vous me direz si je me trompe que les remarquables avancées qu’a  connu la République Dominicaine au cours de ces vingt dernières années l’ont été sous un système démocratique. Je suis de ceux qui croient que plus un système politique  fait appel à la participation des citoyens, plus il est porteur de progrès et disons-le (c’est probablement là que nous divergeons) de stabilité.

La Constitution haïtienne de 1987 est survenue après une longue période de dictature. Le peuple au cours de cette opportunité avait clairement exprimé quelle société il souhaitait construire pour sortir des ornières du sous-développement. Malheureusement ceux qui par la suite ont pris les rênes de ce pays ont montré qu’il n’avait pas des fibres de démocrates et n’ont jamais voulu appliqué la Constitution dans son esprit et dans sa lettre. Ceux qui n’étaient pas au pouvoir souhaitant y accéder n’ont pas non plus été de ceux qui ont montré en défendant la loi-mère qu’ils voulaient la construction d’une société démocratique, capables de remettre en question les incroyables inégalités existant dans mon pays. Nous avons raté au cours de ces vingt dernières années l’opportunité de construire une autre société, une autre Haïti capable d’offrir des chances à tous ces fils pour qu’ils ne soient pas obligés d’aller offrir leurs services ailleurs où ils contribuent au développement de ces pays alors qu’ils trouveraient si bien à s’employer chez eux.

J’ai entendu, peut-être que la presse n’a pas bien traduit votre pensée, que vous avez déclaré qu’une révision de la Constitution haïtienne s’imposait, qu’il y avait trop d’élections et qu’il fallait sortir d’un système semi-parlementaire pour arriver à un système présidentiel pur et dur. Savez-vous pour nous haïtiens ce que veut dire un système présidentiel pur et dur, une entrave à nos libertés, une entrave à nos forces créatrices et productives, une entrave à notre prospérité. Excusez-moi de vous poser cette question. Quand est-ce que le peuple haïtien vous a donné mandat pour parler de choses si importantes pour son présent et son demain au niveau international? On peut faire beaucoup de reproches à Mr. Aristide ou à Mr. Preval mais je ne me souviens pas qu’ils se soient arrogés le droit d’intervenir à ce point dans les affaires intérieures de la République Dominicaine. Depuis déjà trois ans on peut sentir qu’il est devenu une obsession pour le Pouvoir haïtien de modifier cette charte à un point tel que l’action gouvernementale est paralysée et ne répond pas à l’immense attente du peuple haïtien.

Mr. Le Président, est-ce que vous avez la moindre idée de l’insondable souffrance du peuple haïtien. Peut-être que plus que n’importe qui vous devriez vous en rendre compte à travers l’incroyable quantité de mes compatriotes venus chercher un asile chez vous et qui certainement n’y ont pas trouvé le bonheur mais continuent d’y rester faute de mieux. Il ne fait aucun doute que la présence de ceux-ci dans votre pays est une charge pour l’Etat Dominicain.

Je ne pense pas que la mise en place d’un système présidentiel pur et dur comme vous l’avez mentionné contribuera  à réduire ces souffrances mais tout au contraire présage de jours très sombres qui nous rappellent un passé pas trop lointain. Je crois qu’il est de l’intérêt de nos deux peuples qui partagent la  même ile qu’un système politique le plus à même d’assurer la venue d’une société de développement durable fleurisse des deux cotés de la frontière. Nos deux pays, deux des plus beaux pays au monde, font face à des défis aujourd’hui et demain gigantesques.

Je ne veux pas croire que vous ne souhaitez pas que la situation qui est celle d’Haïti ne s’améliore pas car la transformation d’Haïti en un rocher de vingt millions de personnes en 2040 constitue un immense danger pour le progrès futur de la République Dominicaine. Je ne veux pas croire que vous ne souhaitez pas l’établissement d’une société plus juste avec un système politique qui correspond réellement aux aspirations du peuple haïtien.

Avant de terminer cette lettre, permettez-moi de vous souhaiter de continuer à travailler au bonheur de votre pays et de votre peuple comme il me semble que vous l’avez fait jusqu’à aujourd’hui. Permettez-moi de souhaiter au peuple dominicain le meilleur pour son avenir et que nous continuons à vivre cote a cote dans l’entente, le respect et la concorde.

Dimitri Norris, un haïtien.

P.s : Cette lettre sera remise à l’Ambassade Dominicaine à Port-au-Prince ainsi qu’a certains medias de la  Capitale.

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