Desras Simon Dieuseul écrit au président de la république
Mon statut de Président de l’Assemblée Nationale m’autorise, à ce carrefour crucial de la vie nationale, à vous adresser cette correspondance pour vous faire part du souci et de la détermination du Pouvoir Législatif de sauvegarder les acquis démocratiques et de contribuer à la consolidation et à la pérennité des institutions républicaines.
Monsieur le Président,
La Nation toute entière est consciente depuis quelque temps de son enlisement dans une zone de turbulence infestée d’interrogations angoissantes, de doutes et de rumeurs délétères, minée d’alarmes de dangers imminents, de tensions sociales, de crises de méfiance, dont la persistance peut être infiniment préjudiciable à la paix publique et à la stabilité politique.
Certes, il n’est pas utile de dresser ici l’inventaire exhaustif des drames qui empoisonnent cette conjoncture. Force est de reconnaître toutefois que la scabreuse affaire des « cartes de la présidence », la lenteur délibérée du processus électoral, la mort subite, et empestée de toutes les suspicions, d’un juge porteur d’un dossier sensible… tout cela entretient un climat de défiance impropre à une communication saine et fructueuse entre les Grands Pouvoirs de l’État, conjointement engagés dans la gouvernance démocratique de notre pays.
En ce qui nous concerne directement en tant que Pouvoir législatif, nous déclarons qu’il est totalement contre-indiqué de jouer sur le temps, les hasards et les distorsions du jeu politicien, pour fragiliser le Parlement, l’assujettir ou le dissoudre par défaut. Un tel projet, d’ailleurs tout prémédité, ne saurait réussir, parce qu’il met d’abord en jeu la responsabilité du Président de la République aux termes de l’article 136 de la Constitution de 1987 amendée ; il serait en outre arbitraire, voire totalitaire, à l’ère de la globalisation et de l’universalisation de la démocratie, à laquelle Haïti a choisi d’être partie prenante et intégrale.
Fort du principe de légalité, notamment de la superlégalité constitutionnelle, indiscutable dans son application et ses enchaînements… et investi de prérogatives de puissance publique, dans la gestion des dossiers d’intérêt national, le Parlement vous invite, Monsieur le Président, à mettre en branle les mécanismes de dialogue nécessaires au consensus, à la concertation et à l’harmonisation des rapports entre les Grands Pouvoirs de l’État. Par ailleurs, il vous suggère d’initier des consultations avec les secteurs vitaux de la nation : La Société civile, les Partis politiques, les organisations de Droits humains, le monde des affaires, les syndicats, le secteur féminin, le secteur paysan, etc. afin de ramener la cohésion nationale et de lever, notamment, toute hypothèque ou ambigüité mettant en question la tenue immédiate des élections, l’indépendance et l’équilibre des Pouvoirs, le respect absolu du mandat des élus, comme du vôtre propre.
Dans la mouvance actuelle de reconstruction et de refondation nationales, le pays a besoin de paix et de sérénité. Il nous incombe à nous tous, dirigeants et gouvernés, d’y contribuer à la mesure de notre civisme et de la sincérité de notre amour pour la Patrie commune.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.
Caveant Consules !
Simon Dieuseul Desras
Président du Sénat de la République