Haïti-Politique : Pourquoi la Ministre des Finances et de l’Economie a-t-elle démissionné ?
Marie Carmelle Jean Marie, l’une des figures les plus compétentes du gouvernement, dit-on, a claqué les portes. Elle a donné sa démission dans la soirée du mardi 9 avril 2013, a confirmé RTV Scoop. Qu’est ce qui a motivé une pareille décision ? Et pourquoi ?
Selon notre source, c’est le Président Martelly lui-même qui a demandé sa démission via le Premier Ministre Lamothe. Mme Jean Marie a refusé de débloquer des fonds à partir du Budget pour financer les Projets de la Présidence, a-t-on appris. La Ministre démissionnaire en est à sa 10e lettre de démission. Et c’est la dernière, a relaté l’un de ses Conseillers sous couvert de l’anonymat. La goutte d’eau qui aurait renversé le vase a été l’opposition systématique de Mme Jean Marie par ces temps de vache maigre à débloquer d’importants fonds pour fêter ‘’ tout en rose ‘’ en date du 14 mai 2013 le deuxième anniversaire de la Présidence de M. Martelly, ce qui a très certainement mis en rage le Chef de l’Etat.
Dans ce contexte socio-politique marqué par la dynamique électorale en cours, le Régime Tet Kale a besoin d’argent, beaucoup d’argent parce que ‘’ l’argent est au cœur de la politique ‘’ en Haïti, le contraire eut été étonnant ! L’argent est associé au pouvoir, à la psychologie collective, à la confiance et aux rapports de force dans la société haïtienne. Apparemment, la Ministre a préféré ignorer tout ce qui est rapport de force, inféodation, soumission, pouvoir, dépendance psychologique. Bref, elle aurait tout simplement refusé de jouer le jeu et a dû finalement tirer les conséquences.
L’opposition politique haïtienne ne manquera pas très certainement d’approfondir ce dossier pour mettre à nu les extravagances d’un Régime trainant la sébile. Le départ de Marie Carmelle Jean Marie élargirait –il les marges de manœuvre du Pouvoir Exécutif pour utiliser discrétionnairement l’argent des Contribuables haïtiens en dehors du Cadre règlementaire et légal sans aucun casse-pieds aux fesses ? On doute fort que le Parlement puisse aller, dans l’état actuel des choses, au-delà du simple constat. Des pays comme les Etats-Unis d’Amérique, la France par extension l’Union Européenne, le Canada qui jouent un rôle majeur dans la politique intérieure d’Haïti auront, à coup sûr, à apprécier le départ forcé de la Ministre de l’Economie et des Finances.
Dans la lettre de démission adressée au Premier Ministre Laurent S. Lamothe, la Ministre a clairement explicité les causes qui l’ont poussé à tirer sa révérence. ‘’…Nous ne pouvons nous contenter de pratiques désuètes et hier sanctionnées par une évaluation conduite selon les standards internationaux de l’évaluation PEFA et qui nous classe parmi les moins vertueux des Etats en matière de gestion des finances publiques. C’est pourquoi j’ai tenu à poursuivre une réforme conséquente et courageuse des administrations fiscale et douanière, qu’il s’agisse des politiques, des structures, de leur organisation et de leurs pratiques. C’est pourquoi également j’ai tenu à initier une réforme de grande ampleur au niveau de la gestion des finances publiques, dans ses règles, dans ses instruments, dans ses pratiques, y compris au niveau si sensible de la transparence, notamment en matière d’allocation des fonds budgétaires comme la passation des marchés publics. Arrivée à ce stade, je ne peux que constater que je n’ai plus le soutien attendu sur l’ensemble de ces points. Je peux me battre contre l’adversité ou contre les aléas externes qui frappent avec régularité notre pays, mais pas contre le manque de solidarité de mes propres pairs…’’, no comments !
Aucune réaction n’a été enregistrée de la part du duo Martelly-Lamothe qui a montré à sa manière la sortie à Madame la Ministre empêcheuse de tourner en rond. Quelles seront les réactions des Institutions Financières Internationales ( IFI ) comme le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, la Banque Inter-Americaine de Développement face à un Régime qui ne cache pas ses propensions à la corruption et de surcroit dénoncé par son propre Ministre des Finances et de l’Economie ? Nul ne saurait anticiper une réponse à cette interrogation. Cependant à l’instar de Bachelard, il y a lieu de faire la remarque suivante. ‘’La science dans son besoin d’achèvement comme dans son principe s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour des raisons autres que celles qui fondent l’opinion : de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. On ne peut rien fonder sur l’opinion, il faut d’abord la détruire’’.