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Actualités - janvier 11, 2012

Haïti/France/Presse : Blâme au Magazine Le Monde

Par voie institutionnelle ou individuellement, des hommes et des femmes d’affaires ont réagi à l’article du Magazine Le Monde. En chaine les réactions de la Chambre Franco-Haïtienne de Commerce et d’Industrie ; celle de Pascale Théard ; puis vient la lettre d’excuse de la rédactrice en chef du Magazine, Marie-Pierre Lannelongue

Port-au-Prince, le 10 janvier 2012

A l’attention de Madame Marie-Pierre LANNELONGUE

Rédactrice en chef

Magazine «LE MONDE»

POUR PUBLICATION

Le Conseil d’Administration de la Chambre Franco-Haïtienne de Commerce et d’Industrie (CFHCI), a estimé qu’il est de son devoir, de réagir, au nom des 125 membres de la dite Chambre, suite à la publication dans les colonnes du Monde Magazine, daté du 6 janvier 2012, de l’article du journaliste Arnaud Robert intitulé «Les nantis d’Haïti».

Voilà les faits. Le président de la CFHCI, Monsieur Grégory Brandt, a reçu, avec toute l’élégance, la courtoisie et l’hospitalité proverbiale haïtienne, le journaliste Arnaud Robert, accompagné du photographe Paolo Woods. Au cours de cette rencontre, les conversations ont porté sur des sujets jugés importants pour la reconstruction d’Haïti après le séisme du 12 janvier 2010. Nous citerons entre autres: les rapports entre la CFHCI et le MEDEF, la relance de la fragile économie haïtienne après le séisme, les axes et pôles économiques de développement, le défi de renforcer la compétitivité d’Haïti, le financement des PME et des infrastructures, le tourisme, la place grandissante des organisations non-gouvernementales dans le paysage économique haïtien…

Pour permettre à ses interlocuteurs de compléter leur tour d’horizon, Monsieur Brandt a suggéré à M. Robert de prendre contact avec certains membres de la CFHCI, victimes du séisme, mais qui, en tant que citoyens responsables, se sont relevés dès le 13 janvier 2010, pour apporter leur solidarité aux nombreuses victimes et remettre leurs entreprises en marche pour préserver les emplois dans un pays où le chômage atteint des niveaux élevés.

Le Conseil d’Administration de la CFHCI est étonné de constater:

 qu’aucun des sujets abordés avec les différents interlocuteurs n’a été relaté dans le texte;

 que les propos ont été écrits en dehors du contexte dans lequel ils ont été tenus;

Le Conseil est aussi choqué du manque total de respect dont a fait preuve monsieur Robert vis-à-vis de ses interlocuteurs, des hommes et femmes d’affaires, qui ont accepté de lui consacrer le temps nécessaire pour informer et expliquer, dans une relation de confiance qui a été bafouée.

Au lieu de retracer les faits et développer objectivement les arguments sur les thèmes évoqués plus haut, au lieu d’analyser, deux ans après le séisme dévastateur, l’état des lieux, le rôle joué par l’Etat, par la Communauté internationale, par les Organisations non Gouvernementales, par le secteur Privé, au lieu de questionner la destination et l’efficience de l’utilisation des fonds alloués à la reconstruction, le journaliste a préféré tomber dans le stéréotype classique, facile, désuet, et l’outrageante évocation de lutte de classes chère aux nostalgiques des régimes peu démocratiques et dont certains subsistent encore.

Heureusement, nous avons de temps en temps l’occasion de lire des articles de journalistes professionnels, ayant vraiment effectué l’analyse et la recherche requises par leur métier, et dénués de ce relent de colonialisme.

Le comble, quand un organe de la dimension de «Le Monde», journal réputé sérieux et crédible, accepte de publier cet article de tabloïde et de juxtaposition inexacte de phrases utilisées hors contexte, il est à désespérer de la volonté de certains organes de presse à apporter leur véritable contribution au renouveau d’Haïti. Nous croyions pourtant que le malheur du séisme avait calmé les ardeurs des détracteurs d’Haïti et que cette prose était révolue. Mais voilà qu’elle réapparait, dans les colonnes du journal «Le Monde». Il nous semble que Le Monde ne devrait s’octroyer le luxe, par souci de rigueur, de publier un article dont la qualité est si questionnable et imprégné de néo-colonialisme.

Pourquoi ce journal s’acharne-t-il sur les entrepreneurs haïtiens et fait une stigmatisation puérile et fausse du secteur privé haïtien qui, en dépit des crises, constitue aujourd’hui, que cela plaise ou non, un espoir pour sortir ce pays du marasme dans lequel il se trouve, et ceci avec toutes ses qualités, ses défauts, ses forces et ses faiblesses.

Pourquoi donc, une semaine avant la commémoration du second anniversaire du tremblement de terre, ce journal, réputé crédible, a-t-il accepté de publier un tel tissu de mensonges et de faits non vérifiés? Pourquoi, «Le Monde» se positionne-t-il à contre-courant, alors que dans deux semaines, une mission d’hommes et de femmes d’affaires s’apprêtent à rencontrer des homologues français sous les auspices du MEDEF? Pourquoi cette volonté d’un journal français, d’aller à l’encontre des propres intérêts de la politique Française en Haïti?

La Chambre Franco-Haïtienne de Commerce et d’Industrie renouvelle sa disponibilité à recevoir et à orienter, tout journaliste ou organe de presse, désireux de discuter des problèmes de fonds qui touchent la vie économique, politique et sociale d’Haïti. Ses portes resteront ouvertes à tous les vrais professionnels de la presse qui sauront aborder les problèmes et les avancées d’Haïti avec respect et professionnalisme. Elles seront fermées aux marchands de sensationnalisme qui n’aspirent qu’à gagner leur vie en mentant sur des hommes et des femmes occupés à reconstruire leur pays détruit.

Grégory BRANDT

Président

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Lettre ouverte à la rédactrice en chef du Magazine Le Monde 

Le 9 janv. 2012

Madame,

C’est avec la plus forte stupéfaction que j’ai découvert sur le site web du Monde un article  intitulé « Les nantis d’Haïti », dans lequel mon nom était cité avec commentaires.  C’est à la lecture que j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un reportage fait par Arnaud Robert et Paolo Woods que j’avais reçus dans le cadre d’un article qu’ils préparaient pour montrer une image d’Haïti différente de ce que l’on présente habituellement avec des gens dynamiques œuvrant pour leur pays.

Sans entrer dans le sujet de l’article lui-même, je tiens à vous préciser que vous m’avez causé à travers la publication de cet article deux graves préjudices.

Premier préjudice : Pendant plusieurs heures le vendredi 6 janvier, l’article a été publié sur le site web de façon tronquée, juste au milieu du paragraphe me concernant, faussant totalement l’image qui devait ressortir de mon interview. Et c’est justement cette version tronquée qui a été reproduite et diffusée par la presse haïtienne. Cette omission est grave car elle transmet une image  complètement opposée avec ma personne et mes convictions.

Second préjudice : le titre complètement négatif « Les nantis d’Haïti », ainsi que l’accroche qui l’accompagne « Parce qu’ils ont soutenu les dictateurs, parce qu’ils ont peu investi dans l’économie locale, […], les riches Haïtiens ont mauvaise réputation.[…] » sont en contradiction totale avec l’approche que les journalistes m’avait annoncée. En fait j’ai appris que ces changements ont été imposés par la rédaction, sans doute pour rendre le tout plus vendeur, plus accrocheur, avec le même éternel cliché. Comment osez-vous associer mon nom à cette description hâtive? Vous faites vraiment peu de cas de la réputation des gens, de ce qu’ils font pour leur pays. Je suis outrée de ces clichés faciles, trop souvent diffusés par une presse internationale en quête de sensationnel ne prenant pas le temps de comprendre la situation complexe de ce pays et des honnêtes citoyens haïtiens.

Enfin je tenais à vous dire que le préjudice le plus important est encore celui fait à mon pays. Alors que le pays a besoin de se reconstruire et que le but est justement de se mettre tous ensemble pour le faire, que cette dynamique est une urgence, votre responsabilité en tant que grand journal du Monde, serait de la soutenir et non de balayer ces efforts en quelques mots.

Faisant valoir mon droit de réponse, je vous prie de bien vouloir publier cette lettre dans les meilleurs délais, afin de réparer un tant soit peu les torts que la rédaction du magazine du Monde a causés par la légèreté coupable avec laquelle elle a traité cet article.

 Sincèrement,

Pascale THEARD

Directrice Artistique

Pascale Theard Creations

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La réponse de  la rédactrice en chef du Magazine Le Monde, Marie-Pierre LANNELONGUE

10 Jan 2012

Chère madame

Pardon de mon retard à vous répondre. Le lundi et le mardi, nous sommes en bouclage et les journées passent à toute vitesse.

Je suis absolument désolée que la version tronquée soit restée si longtemps sur le site. Cela a été réparé mais bien tard, je le sais et je le déplore. Il s’est passé quelque chose de totalement inédit avec ce papier que nous n’arrivons pas à nous expliquer. Sinon par une erreur humaine… 

Toujours est-il que je vous présente mes excuses pour le préjudice que cela a pu vous causer. 

Je vous tiens au courant demain de la suite que nous allons donner à votre lettre mais je pense qu’elle sera publiée dans le courrier des lecteurs du numéro du 20 janvier. Celui du 13 étant déjà bouclé. 

Je me tiens à votre entière disposition.

Bien à vous 

 

 

 

 

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