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Actualités - août 17, 2016

Ayiti et son projet démocratique : une affaire de corrupteurs et corrompus (Deuxième partie)

Trajectoire des Corrupteurs et des Corrompus de 1994 à 2001

De  1994 à 1996, soit la période marquant le retour à ce qu’ils appellent à la démocratie,  on va assister au bouclage du processus de sabotage des institutions Ayitiennes. En ce sens, deux grands actes sont à considérer : le démantèlement de « l’Armée nationale » et le « petit désordre » fait au pays comme l’avait déclaré le président Jean-Bertrand Aristide dans son discours marquant le retour qualifié par certains de retour à l’ordre constitutionnel. Après ce retour à l’ordre constitutionnel (1994), il n’était plus question du discours anti néolibéral, ce qui revient à dire que durant ces deux ans, les « Corrupteurs et Corrompus locaux » ne faisaient qu’appliquer les directives des corrupteurs externes. Le pays a connu ainsi sa deuxième occupation étasunienne. Il faut comprendre que s’il n’existe aucune force interne capable d’assurer le contrôle du territoire, une autre doit le faire ; la nature a horreur du vide. En fait, personne ne sait ou ne saura ce qu’était ce « petit désordre ». En tout cas, il ne pourrait être attribué au démantèlement de l’armée, puisqu’il avait publiquement dit : « Pèp Ayisyen mwen kaze Lame a ». Évidemment, ce qui paraîtrait ironique puisqu’en même temps il a proclamé haut et fort le démantèlement de l’armée, bon nombre d’anciens militaires ont travaillé pour lui, même à ses côtés au Palais national ; le sénateur Youri Latortue, l’un des responsables de l’USGPN sous Aristide en est un exemple éloquent. Tout ceci pour dire quoi, que le démantèlement de l’armée était en fait une façon de confirmer la dissolution des institutions du pays et d’assurer du même coup le processus destructeur de la société haïtienne. Ainsi, le président Aristide n’était pas en réalité le principal responsable de la destitution de notre armée, il a été celui par qui les corrupteurs externes ont fait exécuter leur agenda.

Mais de 1996 à 2001, soit sous le premier terme du Président Préval (1996-2001), peu de changements ont été enregistrés dans le jeu des corrupteurs et corrompus, sachant que sa présidence était une forme de passation de pouvoir entre copains. Il faut dire aussi que cette période était en même temps très controversée puisqu’on nous laissait croire que le Président Préval n’agissait pas de sa propre volonté. Une telle situation rend, à un certain niveau, difficile de retracer les différentes ramifications des corrompus qui ont vu le jour lors de son premier mandat. Mais intelligemment, il avait tout fait pour que l’élu des élections présidentielles de 2001 soit le chef de la famille. Et c’est ainsi que le pays allait expérimenter sa première « Ti pas kout demokratik », avec le second mandat d’Aristide, lequel mandat n’a duré que trois ans (2001-2004).

Vue d’ensemble sur les « Corrupteur et corrompus » de 2001 à 2004

Durant 2001-2004, on allait assister à un grand tournant dans l’histoire politique Ayitienne, soit la réclamation par le pouvoir d’alors de « la restitution du montant de la dette de l’Indépendance » et  la mise sous tutelle onusienne à nouveau d’Ayiti. Bien que l’idée de la restitution de la dette de l’Indépendance ne fût pas du président Aristide,  mais il était celui qui l’avait popularisée. Ce discours en dépit de son fondement historique était mal pris par une fraction des corrupteurs externes qui, à leur tour, allaient utiliser d’autres corrupteurs locaux pour faire échec à cette démarche dont l’aboutissement aurait constitué une jurisprudence, une grande menace pour les anciennes métropoles européennes.

Dès lors les corrupteurs externes, une fois de plus, ont puni le président, cette fois-ci non pas avec l’armée, mais plutôt avec l’aide d’une entité appelée Groupe-184. Ainsi, puisque durant ce mandat, le président dès lors pensait s’ériger comme étant une extension des corrupteurs externes en voulant garder le contrôle total des corrompus locaux, conséquemment il a été puni et obligé de partir pour l’exil. Pour ce faire, cette fraction des corrupteurs externes ont créé une situation chaotique dans le pays via une contestation opposant les corrompus du gouvernement d’alors au Groupe-184 qui, à son tour, allait accaparer les revendications parallèles de l’Université d’État d’Haïti pour les entraîner dans cette crise d’intérêts. En termes de résultats, on allait assister à l’occupation du territoire par les forces onusiennes sous prétexte d’assurer la sécurité d’une part, mais au vrai, elle ne visait qu’à rappeler à l’ordre du respect scrupuleux de la ligne de domination des corrupteurs externes.

Ainsi, en dépit de tous les maux causés au pays par le régime Lavalas, ce dernier est à féliciter pour avoir posé un acte positif, à savoir médiatiser la question de la « Restitution de la dette de l’Indépendance ». Il semble que l’objectif du Groupe-184 était de faire passer dans l’oubli cette question de restitution, comme pour dire que nombre de corrupteurs internes étaient contre cette revendication. Cette affaire doit toutefois refaire surface, non pas avec ceux qui ont leurs mains trempées dans le pillage des richesses du pays par les corrupteurs externes  et qui jouissent des fruits de la corruption, mais avec tous ceux et celles qui rêvent d’un Ayiti meilleur. D’ailleurs, l’enjeu principal de cette revendication dépasse le cadre haïtien pour constituer un défi majeur pour les anciennes colonies. En ce qui a trait à cette entité appelée Goupe-184, c’était une organisation conjoncturelle née uniquement pour saper la revendication de la Restitution de la dette de l’indépendance, voilà pourquoi nul ne sait ce qu’est devenue cette organisation et pourquoi les propositions faites par leur contrat social sont en passe d’atterrir voir être récupéré par la classe politique Ayitienne

Il faut dire en ce sens que la crise de 2001-2004 a poussé le pays dans un carrefour de non-retour. En effet depuis 2004, cette force d’envahissement dont sa prétendue mission était de s’assurer de la sécurité, peut être considérée comme étant un facteur majeur d’insécurité. Le cas du choléra, le kidnapping, les abus sexuels (ou même de pédophiles), et leur passivité dans les récents cas d’insécurité dont subissaient les résidents de « La Plaine » sont quelques exemples prouvant qu’elle représente l’une des sources principales de l’insécurité qui sévit actuellement dans le pays. En fait, personne ne sait sa véritable mission.

Toutefois, on a pu constater durant le gouvernement provisoire d’alors, le pillage du patrimoine subaquatique du pays et la désacralisation de nos monuments historiques (comme par exemple le Marron inconnu). La ministre de la Culture d’alors avait certes déclaré que c’était dans l’unique but de le restaurer, mais l’on peut se demander pourquoi cette restauration devrait se faire par les descendants de ceux contre qui combattaient les marrons. Ainsi, quoi qu’ils veuillent nous faire croire, cela s’apparaît plus à un vol masqué que toute autre chose considérant que nul effort n’a été entrepris par ce gouvernement pour éviter la désacralisation d’un monument si emblématique de notre histoire de peuple.

Comprendre les notions « Corrupteur »  et « Corrompu » de 2006 à nos jours

Les conditions dans lesquelles René Préval a hérité de son deuxième mandat montrent que les élections de 2006 étaient quelque chose de préfabriqué. Bien qu’il soit difficile de le démontrer, mais on peut se demander pourquoi était-il le premier président de l’ère démocratique ayant bouclé ses deux mandats (1996-2001 ; 2006-2011) ? Une telle réalisation est-elle possible sans acceptation de l’imposition des règles des corrupteurs externes. Ayant été une fois accusé pour son silence  par son concurrent aux élections présidentielles de 2006, Sauveur Pierre Etienne disant que son silence lui a été recommandé par son Ougan ; peut-on attribuer son succès à la magie, le débat à ce niveau pourrait être interminable. Un fait certain,  il était élu sous la bannière de « LESPWA » puis a créé « INITE », et maintenant il est en quête de « VERITE ».  Ce vacillement politique apparaît comme un syndrome au point qu’il est difficile de déterminer son appartenance politique réelle, comme c’est le cas pour tous les politiciens Ayitiens. Il persiste en effet de manière flagrante un manque d’ancrage idéologique parmi les politiciens. D’où l’existence d’une politique « droite-et-gauche » des partis politiques Ayitiens ; la question d’affiliation est très superficielle. Voilà pourquoi malgré la contestation des récentes élections par l’opposition actuelle, bon nombre de ces partis sont actuellement représentés au parlement. Ce manque d’ancrage idéologique est facteur d’un autre problème : celui d’une mauvaise adhésion aux partis politiques qu’ils représentent. En effet, aucun des partis politiques n’était en mesure de censurer voir empêcher aux soi-disant membres élus sous leur bannière de valider la cinquantième législature qui est largement contestée. Toutefois nous devons signaler que les gouvernements datant de 2006 à nos jours ont tous bouclé leur mandat, à l’exception de l’actuel gouvernement qui présente un cas particulier.

Les corrupteurs et les corrompus dans l’état actuel

Bien que  le gouvernement actuel constitue un cas particulier muni d’un mandat très spécifique, globalement on peut dire que l’essence de la logique décrite par des corrupteurs et corrompus n’est pas trop différente, lorsqu’on sait qu’ils se disent : « rassembleurs ». Pourtant en le regardant de près on dirait qu’il présente un amalgame que certains pourraient qualifier d’une alliance entre le fer et l’argile. Il se dit capable de financer les prochaines élections sans l’aide internationale, ce qui paraît très patriotique, mais l’histoire se souviendra que toutes les élections réalisées dans l’ère démocratique sans l’appui des corrupteurs externes se sont soldées soit par un coup d’État ou l’annulation complète de celles-ci.

Juste avant d’élucider les notions «corruptions/corrupteurs » sous Martelly, nous allons en premier lieu essayer de faire le point sur le phénomène dit « Tèt Kale ». En fait, à quoi renvoie le « Tèt Kale » ?

Si vous demandez aux enfants bénéficiaires du PSUGO, ils vous diront qu’un on est « Tèt Kale », si nos têtes sont dépourvues de cheveux comme Président Martelly. Laquelle réponse paraîtrait vrai semblable considérant que son ancien premier ministre Laurent Lamothe à sa tête lui aussi bien rasée. Mais pour ceux qui suivent de près ce gouvernement, ils vous diront que bon nombre de partisans de « Tèt Kale » n’ont pas leurs têtes dépourvues de cheveux. C’est le cas du sénateur Youri Latortue qui, le 31 août 2015, au micro de radio Caraïbes disait : « J’ai été conseillé du président Martelly mais, je n’ai jamais porté de bracelet rose ».  Ainsi, peut-on dire que « Tèt Kale » est synonyme de vivre la vie en rose ? Les réponses peuvent être distinctes, mais dans l’état actuel du pays où la gourde fait « laloz », vivre une vie en rose serait synonyme de corruption considérant l’état critique actuel de notre économie. Mais en est-il vraiment le cas, lorsqu’on sait que le président Martelly à maintes reprises  a identifié le phénomène « Tèt Kale » à ses réalisations. Mais cela suffirait-il pour définir l’essence dudit phénomène. À mon avis, je dirais non.

En ce qui a trait à ses opposants, selon eux « Tèt Kale » se résume à l’idée de « Bandit légal ». Ce qui paraît également vraisemblable considérant que le président Martelly a effectivement produit une chanson titré « Bandit légal » au couvert de son chapeau d’artiste. Quoi qu’il en soit l’appellation « Tèt Kale » n’est pas une idée originale du Président Martelly,  la fameuse chanson « Tèt kale au refrain Tèt kale pa vle kite m dòmi » a fait son bonhomme de chemin bien avant le « Tèt kale » du président Martelly. Ainsi, comme la notion de « Tèt kale » du président Martelly est rosâtre, on ne sait pas si sa version de « Tèt Kale » est l’attribution du rose à celle abordée et décrite dans cette chanson populaire de D.P. Express, dans son album « Tèt Kale » datant de 1984. En réalité, ce phénomène « Tèt Kale »  paraît plus qu’un slogan compris uniquement par ceux de son entourage capable de le décortiquer.

Mais, si on cherche à comprendre le phénomène à partir du symbole ou la couleur « rose », la définition paraîtrait très simpliste. Dans ce cas, on se trouvait dans une situation où le phénomène « Tèt Kale » serait divisé en trois catégories : Rose, Blanc, et Rouge. À ce niveau, les roses seraient les décideurs directs de « Tèt Kale », alors que le Blanc et le Rouge seraient les alliés sachant que la couleur rose est une combinaison du Blanc et Rouge. C’est ce qui explique pourquoi le Sénateur Youri disait qu’il ne porte pas de bracelet rose, mais pourtant il est un allié du gouvernement, donc ce qui fait de lui une portion de la combinaison du blanc et rouge qui pourrait n’importe quelle variante du rose. Dans ce schéma, plus qu’on s’apparente du rose plus on n’est proche du pouvoir. En fait, « Tèt kale » n’est pas un courant politique, mais plutôt un code, un jargon pratiqué au sein d’un groupe d’appartenance, dont les vrais motifs ne sont partagés qu’entre les membres du groupe.

En fait, on n’a jamais été aussi bas dans l’histoire du pays. Tel est ce que décrivent les récents tableaux affichés sous ce gouvernement. Il ne restait plus rien en termes de valeur. Mais ce qui est intéressant de cette gouvernance, c’est qu’en dépit de toutes les accusations faites à son encontre, ce régime continuait d’avoir l’appui des corrupteurs externes. C’est un signe qui montre à clair combien ce gouvernement obéissait aux règles du jeu. Pour ce qui a trait aux Corrupteurs et Corrompus, contrairement au régime précédent où les représentants directs des corrupteurs externes alimentaient les corrompus, pour ce gouvernement c’est l’inverse. Ce sont les corrompus qui ont influencé ou entrainé le représentant direct des corrupteurs externes sur la voix de la corruption. Cela signifie que sous ce gouvernement, les corrompus ont une plus grande influence dans le jeu des coquins.

Il s’agit ici d’attirer votre attention sur la nécessité d’éviter de blâmer uniquement le président et sa famille, et d’oublier ou pardonner les corrompus dudit régime qui après son départ commenceront à vaquer normalement à leurs occupations comme si  de rien n’était. Loin de là, puisque les corrompus sont d’autant coupables que le représentant direct des corrupteurs externes. Ceci dit, en tant que chef de l’État, le président Martelly, n’était pas responsable des deniers publics. Cela sous-entendrait qu’il est fort probable à ce qu’une grande partie de cette machine corruptrice échappe à son contrôle, mais cela ne signifie nullement qu’il est innocent puisqu’il était le principal gérant de la nation. Prenons comme exemple, la déclaration faite par son ministre de l’Économie et des Finances (Wilson Laleau) lorsqu’il essayait d’augmenter la pension des ministres. « On ne peut pas servir le pays, et après nos services d’aller vivre n’importe comment ». Cette déclaration traduit l’essence même de la corruption, puisque de même qu’il pensait qu’il ne pouvait aller vivre n’importe comment après ses services renvoient à l’idée qu’il était aussi disposé à tout faire pour s’assurer d’une retraite dorée. C’est triste pour le pays! Puisque en tant qu’économiste il sait mieux que nous qu’il doit vivre de son salaire, et que sa vie future devrait en certaine mesure liée à son économie ou son épargne.

Si l’on analyse de près les actions de ce régime, ce ministre était impliqué dans tous les récents accords signés par ce gouvernement, le dernier en date est « Le Projet de Ciment de Morne Lapierre » qui est illégal puisqu’un tel projet ne pourrait avoir lieu sans l’approbation du parlement et l’implication active de la mairie des Gonaïves. De plus, il y a lieu de se demander pourquoi ce ministre a augmenté de manière surprenante le salaire des conseillers électoraux. Comment un pays qui est en pleine crise économique, où les petits employés de ce même CEP revendiquaient l’arriéré de salaire qu’un ministre a eu l’audace de multiplier par plus de deux le salaire des conseillers électoraux décriés, incompétents.

Quoi qu’il en soit, il faut dire que bon gré mal gré  la présidence de Martelly a rendu un grand service au pays puisque son chapeau d’artiste est trouillé (Li pa kenbe kras), où un jour il finira par tout dévoiler. L’exemple de l’humiliation publique orchestrée à l’endroit de son ancien ministre de Communication en l’occurrence « Rotchild François Junior » n’était que la genèse [de cet éventuel processus de démystification ou d’avilissement]. C’est-à-dire, un jour tout le monde finira par avoir la monnaie de sa pièce puisque jamais au cours de son mandat il ne s’était considéré comme un politicien, mais toujours il disait je suis un artiste international, ce qu’il est.  Oh! Que c’est intéressant ! Puisque le pays peut espérer un jour que le deuxième chapeau (l’artiste) du président Martelly lui permettrait de connaître les loups déguisés en agneaux ou tout simplement les plus farouches corrompus de ce pays.

Dans l’idée de l’appréhension des notions « Corrupteurs et Corrompus », le régime de Jean-Claude Duvalier était le seul où ni les corrupteurs ni les corrompus locaux ont été rétribués. Alors que pour tous les régimes de 1986 à 2004, on a pu constater que seuls les représentants directs des corrupteurs externes ont été affectés que ce soit de manière positive pour ceux qui ont respecté les règles du jeu et négative à ceux qui violaient l’agenda des corrupteurs externes, lequel aspect jusqu’à date a été satisfait uniquement par le président Aristide. Ainsi, la raison pour laquelle la question de corruption est devenue le gangrène de notre pays, c’est qu’il faisait partie de l’agenda des corrupteurs externes dont leur unique mission est de nous tenir captifs avec la complicité des corrupteurs et corrompus locaux. Tous les gouvernements de ces trente dernières années ont bien compris ce dilemme. Voilà pourquoi quand ils arrivent au pouvoir ou occupent une fonction importante dans l’État (la grande majorité) ils se montrent le plus soumis que possible dans l’idée de trouver grâce aux yeux des corrupteurs externes. Dans cette pratique corruptrice, il n’existe pas de piété au point  qu’il est difficile d’identifier qui sont les loups parmi les brebis.

Jacques A. Demezier

Sociologue, Modéliste

sejad@knights.ucf.edu 

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