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Actualités - février 10, 2011

Michel Martelly, chanteur et novice en politique, finaliste de l’élection en Haïti

« Sweet Micky » a bénéficié de l’exclusion du second tour du favori du pouvoir, Jude Célestin. Pour René Préval, le président haïtien en fin de mandat, Michel Martelly est un Mussolini en herbe, un populiste de droite entouré de bandits. Pour ses supporteurs, nombreux parmi les jeunes, c’est l’espoir d’un changement, frustré depuis vingt-cinq ans. Le curriculum vitae de ce fils de famille aisée, qui aura 50 ans le 12 février, est succinct. Avant de se lancer dans la musique, il a fait de très brèves études aux Etats-Unis « en construction et initiation à la communication », sans autre précision.

Avant le premier tour de l’élection présidentielle, le 28 novembre, la candidature du chanteur de compas, un rythme populaire en Haïti, semblait devoir rester folklorique. Clown pour les uns, outsider pour les autres, Michel Martelly, alias « Tet kalé » (« boule à zéro » en créole) avait occupé l’espace laissé libre par Wyclef Jean, la star haïtiano-américaine du hip-hop, dont la candidature avait été rejetée par le Conseil électoral provisoire (CEP).

Egalement surnommé « Sweet Micky », il était l’un des chanteurs les plus populaires d’Haïti. Provocateur, il n’hésitait pas à montrer ses fesses à la fin des concerts ou à monter sur scène vêtu d’une jupe. « C’était déjà un boute-en-train en classe, où il n’étudiait pas beaucoup », se souvient le géographe Jean-Marie Théodat, son ancien condisciple au collège Saint-Louis- de-Gonzague, à Port-au-Prince.

Les derniers sondages avant le premier tour le plaçaient en troisième position, derrière la juriste Mirlande Manigat et le poulain du président Préval, Jude Célestin. Les résultats provisoires annoncés début décembre 2010 confirmaient ce classement, excluant le chanteur du deuxième tour. Ils ont été accueillis par trois journées d’émeutes provoquées par les partisans de « Sweet Micky ».

Les fortes pressions des principaux bailleurs de fonds, à commencer par les Etats-Unis, auraient poussé, selon certains analystes, le CEP à inverser les deuxième et troisième places au profit de M. Martelly, le 3 février. Ces résultats définitifs présentés sans aucun chiffre ni pourcentage sont contestés par plusieurs candidats, et la moitié des huit membres du CEP ont refusé de les cautionner.

« Sweet Micky » s’est révélé fin manoeuvrier, menaçant de faire redescendre ses troupes dans la rue pour maintenir la pression. Après avoir demandé l’annulation du scrutin le jour de l’élection, puis l’organisation d’un deuxième tour avec tous les candidats, il a brandi les recommandations d’experts étrangers favorisant sa candidature. Il s’est habilement présenté comme le favori de la communauté internationale, qui a promis 10 milliards de dollars pour reconstruire le pays dévasté par le séisme du 12 janvier 2010. Aux tenues et poses sexy ont succédé costumes sombres bien coupés et mouvements de menton imitant le président des Etats-Unis, Barack Obama.

« Je suis clean »

« Martelly écoute ce qu’on lui dit. Je lui ai parlé d’un exemple de développement au Rwanda, deux heures plus tard, il le reprenait à la radio », raconte un diplomate. Il suit à la lettre les conseils de son directeur de campagne, l’Espagnol Antonio Sola, dont les services sont rémunérés par un riche supporteur résidant en Floride. Liée au Parti populaire espagnol (PP, droite), son agence de communication, Ostos & Sola, a conseillé plusieurs candidats conservateurs en Amérique latine et la campagne du candidat républicain John McCain aux Etats-Unis en 2008.

« C’est vrai, Michel était « de facto » (proputschiste) et moi « lavalas » (favorable à l’ex-président Aristide). On a passé vingt ans sans se parler », confirme Richard Morse, le patron de l’Hôtel Oloffson, musicien comme son cousin Michel Martelly. « Aujourd’hui, c’est le meilleur choix pour obtenir des résultats en faveur des pauvres », assure-t-il. Ses adversaires évoquent ses liens avec la dictature duvaliériste ou les escadrons de la mort du régime putschiste et affirment que des narcotrafiquants appuient sa candidature.

Le chanteur balaie ces accusations : « Je suis clean, ça ne m’intéresse pas de parler de ces histoires, ce qui m’intéresse c’est l’avenir de mon pays. » Il reste d’une grande discrétion sur son entourage et ses appuis financiers. « Au début, le secteur des affaires ne croyait pas en ma victoire. Maintenant qu’ils ont compris que le peuple est avec moi, ils font des approches. Je suis sûr que l’argent va arriver », confie-t-il.

Jean-Michel Caroit

Article paru dans l’édition du 10.02.11

 

 

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